Les trésors du 6e à Paris ? Interview exclusive du maire Jean-Pierre Lecoq entre pépites et cinéma

Le 6e arrondissement est peut-être l'un des plus éclectiques de la capitale, culturellement parlant : des musées à perte de vue, de grandes institutions à l'image du Sénat et de l'Institut de France, des restaurants mythiques comme Le Procope, le Café de Flore ou encore Les Deux Magots, sans oublier son Jardin du Luxembourg, ses cinémas et ses théâtres, à ne plus savoir où donner de la tête.

Le maire de l'arrondissement, Jean-Pierre Lecoq, est bien de cet avis : "C'est un territoire fabuleux à l'histoire extraordinaire. Avec un tel patrimoine, vous pouvez tout y faire sans avoir à sortir de l'arrondissement !". Sauvegarde des cinémas indépendants, sorties personnelles, bonnes adresses, projets futurs, l'élu nous parle de ses actions et de ses coups de cœurs au sein de son arrondissement. Découvrez notre interview exclusive.

Sortir à Paris : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Jean-Pierre Lecoq : Comme vous le savez, être maire n'est pas une profession, c'est une fonction. Je suis un "produit" un peu spécial dans le monde politique. Ma carrière a démarré en 1979 au Crédit national, l'ancêtre de la BPI actuelle (la Banque publique d'investissement, NDLR). J'étais spécialisé dans le financement d'entreprises et j'y suis resté jusqu'en 2016. Théoriquement, j'étais à plein temps, mais j'étais aussi maire du 6e arrondissement ! Je prenais donc sur mes crédits d'heures pour assister aux séances du Conseil de Paris : à 18h, je quittais le travail et j'allais m'occuper de la mairie. Et puis, c'était full time le samedi et le dimanche !

Avez-vous du temps pour sortir ?

Je sors à dose homéopathique, car il faut tout de même dormir !

Quelles sont vos sorties et activités culturelles favorites ?

J'aime le cinéma, et je ne vais pas assez au théâtre - même si je suis récemment allé voir la fameuse pièce Le cercle des poètes disparus. A vrai dire, je suis intéressé par toutes les formes de culture ! En revanche, j'ai un grand regret : mes parents m'ont proposé d'apprendre à jouer d'un instrument quand j'étais petit mais je ne l'ai pas fait, je n'ai donc jamais développé mes talents artistiques. Je n'étais pas très fort en dessin, non plus.

En tant que cinéphile, quels sont les derniers films que vous avez vus ?

Je suis allé voir Mission Impossible : The Final Reckoning (mais il était un peu long, j'ai préféré l'avant-dernier), ainsi que l’excellent film de Régis Wargnier, La Réparation. J'aime aussi les œuvres de Jean-Pierre Rassam, les films de cape et d'épée et les films de "bidouille sentimentale" comme Les Choses de la Vie de Claude Sautet avec Romy Schneider, un film culte qui était novateur à l'époque... et puis vous vous apercevez qu'il y en a en réalité cent du même acabit - Les Petits mouchoirs de Guillaume Canet, par exemple. Dernièrement, j'ai aussi regardé les deux longs-métrages des Trois Mousquetaires et Le Comte de Monte-Cristo qui était très bien.

Dans quelle mesure le cinéma est-t-il important pour vous, en tant que maire du 6e arrondissement ?

Le 6e arrondissement est l'arrondissement du cinéma par excellence, avec le plus grand nombre d'écrans de Paris (approximativement 50 écrans !), qu'il s'agisse de multi-écrans (MK2 et UGC, présents à Montparnasse et à Odéon) ou de cinémas d'art et d'essai, soutenus par la Ville de Paris depuis toujours.

Je pense notamment aux Trois Luxembourg, trois petites salles en haut de la rue Monsieur-le-Prince, au Nouvel Odéon, rue de l'école de médecine, et au Saint-André des Arts créé par Roger Diamantis - le pape des cinémas d'art et d'essai : l'un des plus anciens cinémas de la ville qui a failli passer à la trappe, il y a quelques années.

Vous avez aussi le Christine Cinéma Club, un tout petit cinéma repris par le mari d’Isabelle Huppert, ainsi que le cinéma de mon enfance, L'Arlequin, et ses quatre salles. Une cinquième (en Dolby, comme au Pathé Beaugrenelle) est d'ailleurs en projet et devrait être inaugurée en 2026 ! Le lieu est géré par le groupe Dulac, également à la tête du Reflet Médicis et de L’Escurial. Mais L'Arlequin est le plus sensationnel !

Alors que les cinémas indépendants sont en voie de disparition, est-ce que leur préservation est un cheval de bataille, pour vous ?

En tant que maire d'arrondissement, il est important de bien connaître le terrain, d'être à l'écoute et d'alerter, quand c'est nécessaire - en l'occurence là, la mission Cinéma de la Mairie de Paris. Mais il y a aussi des situations complexes, comme dans le 5e arrondissement avec le cinéma La Clef. Pour notre part, dans le 6e arrondissement, nous avons un cinéma qui va être relancé : la salle mythique Georges de Beauregard, rue Guillaume Apollinaire ! Par chance, la salle est reprise par les Films du Losange, une société de production dont les actionnaires détiennent également Les Trois Luxembourg. C'est une très bonne nouvelle !

Y a-t-il des endroits qui mériteraient d'être plus connus dans l'arrondissement ?

La dernière borne milliaire de Paris, qui se trouve à l'angle de la rue Littré et de la rue de Vaugirard ! Les bornes militaires existaient au temps des rois, je crois que c'est Louis XV ou Louis XVI qui ont créé ce concept de bornes en pierre érigées tous les 2000 mètres.

Le 6e arrondissement est aussi un quartier très littéraire. Quels sont les lieux incontournables pour vous ?

L’Écume des Pages, La Procure et Tschann, trois grandes librairies emblématiques qui perdurent dans le temps, ainsi qu'un tas de petites librairies !

Quelles actions spécifiques sont menées afin d'emmener les plus jeunes vers la culture (projets scolaires, médiathèques, MJC) ?

Ils y viennent naturellement ! Mais c'est une très bonne question car certaines personnes ont tendance à dire que "le centre de Paris est un quartier de vieux" alors que le 6e est aussi un arrondissement où se retrouvent beaucoup de jeunes, en particulier des étudiants. Le réseau de transport, qui est fabuleux, permet aussi la venue de ces jeunes dans notre quartier !

Et si vous deviez décrire, en une phrase, votre arrondissement à quelqu'un qui ne le connaît pas ?

Je dirais que c'est le temple de la culture et de la sagesse. Il ne faut pas oublier que le Quartier latin se trouve en majorité dans le 5e mais aussi dans le 6e arrondissement ! C’est un territoire extraordinaire, avec ses grands lycées (Saint Louis, Montaigne et Fénelon, le premier lycée de jeunes filles de la capitale) et ses lieux de vie nocturne (rue Princesse, rue des Canettes, rue du Dragon) avec des boites de nuit - bien qu’elles aient périclité - et les premières boîtes lesbiennes comme le Katmandou, près de la rue du Vieux-Colombier. Et puis, les théâtres évidemment : le théâtre de l'Odéon, le Vieux-Colombier que j'ai contribué à faire rouvrir en 1997, le théâtre du Lucernaire qui a failli disparaître, et le fameux petit Théâtre de Poche.

Qu'est-ce qu'on ne trouve que chez vous et qui vous rend vraiment fier ?

Il faut rester humble, mais c'est un endroit qui est béni des dieux. L'arrondissement est situé au centre de la capitale, sur la Rive gauche. Nous avons le Jardin du Luxembourg - l’un des trois plus beaux jardins du monde, sinon le plus beau - une assemblée parlementaire, un nombre incalculable de cinémas. C'est aussi un arrondissement très bien desservi ! Vous pouvez prendre votre vélo, les transports en commun (le RER B, le RER C, la ligne 4 qui est la deuxième ligne automatisée de la capitale), et vous vous retrouvez gare Montparnasse, gare de l'Est, gare du Nord. La ligne 13 n'est pas non plus très loin, tout comme la ligne 14 qui vous permet d'aller à Saint-Denis ou à Orly. C'est extraordinaire !

Selon vous, quelle est la balade parfaite dans le 6e arrondissement ?

Vous partez de la Passerelle des Arts, un des plus beaux endroits du monde, pour vous retrouver face à l'hôtel de la Monnaie. Vous pouvez faire une pause auprès des bouquinistes et à partir de là, vous avez plusieurs choix : soit vous remontez la rue Bonaparte pour arriver jusqu'à Saint-Germain-des-Prés ; soit vous passez – vous êtes en face de l’Institut de France – derrière le pavillon Comtesse de Caen que vous traversez pour arriver devant la statue de Voltaire avant de remonter la rue de Seine tout du long. Là aussi, plusieurs itinéraires s'offrent à vous : soit vous la continuez, soit vous pouvez passer par la rue Jacques-Callot sur votre gauche pour reprendre la rue Mazarine.

Si vous empruntez la rue Mazarine, vous arrivez sur la rue de l'Ancienne Comédie. Là, vous vous arrêtez devant le Procope, le plus ancien café littéraire de Paris où Voltaire, D'Alembert et Rousseau ont rédigé l'Encyclopédie. Vous arrivez ensuite sur le boulevard Saint-Germain où se trouve la statue de Danton. En partant sur la gauche depuis la statue, vous remontez la rue de l'Ecole de Médecine et vous arrivez au couvent des Cordeliers, un couvent du XIIIᵉ siècle où Danton accueillait ses amis. A coté se trouve le couvent Saint-Côme qui a été l'Académie Royale de Chirurgie, créée par Louis XIV. Enfin, vous arrivez au boulevard Saint-Michel, qui est commun au 5e et au 6e arrondissement.

Si vous deviez citer trois restaurants, lesquels seraient incontournables ?

La brasserie Lipp, la grande brasserie des politiques dans les années 60-70, reste un incontournable. Elle est ouverte 365 jours par an, avec un très bon rapport qualité-prix. En étoilé, je dirais le restaurant d'Armani, de la cuisine italienne haut de gamme - il faut y aller pour fêter un anniversaire ! Chez Fernand aussi, rue Guisarde. Rémi Lebon tient l'établissement depuis une vingtaine d'années, c'est un petit restaurant sympa avec des nappes Vichy, où l'on mange des plats français. Enfin, Chez Marcel, un beau petit restaurant situé rue Stanislas qui ressemble étonnamment à un bouchon lyonnais. Il est animé par Pierre Cuche qui a aussi repris un autre restaurant très intéressant dans la même rue, La Caspienne, à côté de l'église Notre-Dame des Champs. Je ne vous cite pas La Rotonde, parce que c'est un incontournable !

Un événement emblématique du 6e arrondissement que vous recommandez aux habitants et aux gens de l'extérieur ?

La Foire Saint-Sulpice, anciennement Foire Saint-Germain, qui dure tout le mois de juin sur la place Saint-Sulpice, et ses trois rendez-vous très forts : le Salon des jeux mathématiques, le Salon de la céramique et le Marché de la Poésie qui est vital pour énormément de petites maisons d'édition poétiques. C'est le rendez-vous à ne pas manquer ! Vous avez aussi une manifestation autour du livre avec, le soir, une compagnie théâtrale qui change régulièrement et qui se produit pendant quatre ou cinq jours. C'est un très bel événement culturel, populaire et sympathique, auquel les gens sont très attachés.

Quel est votre plus beau souvenir depuis que vous êtes maire de l'arrondissement ?

Vous me prenez un peu au dépourvu... J'ai énormément de souvenirs, mais pour rester sur Saint-Sulpice, je pense à la fanzone des Jeux olympiques. Elle a eu un succès extraordinaire, c'était magnifique de voir des familles, des enfants de toutes nationalités, partager ce moment. On a d'ailleurs fait un petit remake, il y a quelques semaines au mois de juin, à travers une Journée du Sport. La place Saint-Sulpice est un endroit magique, c'est une place de village.

Avez-vous un projet que vous aimeriez mettre en place dans les prochains mois, les prochaines années ?

Une chose merveilleuse, dans l'ancienne clinique Tarnier (qui était la grande clinique d'accouchement du 6e) : un projet de centre de recherche universitaire, pluridisciplinaire et international, autour de la santé des femmes. Cela va d’ailleurs s'appeler l'Institut pour la santé des femmes. C'est un projet cofinancé, à parité, par la Région, la Mairie de Paris et un grand mécène. Il y aura, en plus, une résidence pour chercheurs ; c'est un projet absolument fabuleux.

En dehors de votre territoire, quels arrondissements ou villes admirez-vous ?

Tout Paris est beau, je ne vais pas faire le tri entre les arrondissements. Les charmes de Paris sont infinis ! Après, la France est un pays d'une beauté absolument extraordinaire : partout où vous allez, vous avez des trucs sensationnels.

Est-ce qu'il y a un sujet (culturel, sportif, etc.) que nous n'avons pas évoqué et qui vous tient à cœur ?

Il y en a beaucoup ! Je peux vous parler du Parcours des Mondes qui a lieu au mois de septembre, une manifestation d'envergure internationale autour des arts premiers, dans le sillage du musée du Quai Branly. Bien qu'il soit arrivé bien avant, il est en train de gagner en ampleur avec la présence de collectionneurs du monde entier ! Cela conforte l'économie des galeries, car beaucoup sont customisées pour cet événement - elles louent leur emplacement pour des galeries éphémères à des marchands d'art premier qui viennent montrer leurs collections. Vous avez aussi les expositions autour de la photographie avec notamment, en novembre, les parcours Photo Days dans plusieurs arrondissements de Paris.

Que diriez-vous aux lecteurs de Sortiraparis pour leur donner l'envie de (re)découvrir votre arrondissement ?

Se promener simplement dans les rues du 6e arrondissement ! Le 6e, c'est facile, c'est rive gauche ! C'est la Passerelle des Arts, le Pont-Neuf, le pont Saint-Michel jusqu'au pont du Carrousel. Et une fois dans l'arrondissement, vous allez vers le sud et vous découvrez des choses extraordinaires - des galeries, des cinémas, des brasseries. Après, direction la rue de Rennes jusqu'à la gare Montparnasse - qui sera d'ailleurs rénovée tout comme le centre commercial situé en dessous. Vous pouvez ensuite vous balader rue Madame ou bien rue d’Assas, et vous êtes une portée d'arquebuse du Jardin du Luxembourg où vous pouvez courir matin, midi et soir ! Il y a aussi Montparnasse avec ses grandes brasseries mythiques, ses cinémas et ses petits théâtres comme le Théâtre de poche et le Lucernaire. Je pense aussi à tout le quartier de la rue Saint-Placide et de la rue du Cherche-Midi qui part du Centaure de César, au carrefour de la Croix Rouge et de la rue du Cherche-Midi !

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